PROJET CONTAGION

Nous dévorons l’hystérie du regard, l’hystérie dévore en retour notre regard.

L’hystérique aura aimé avec l’image, elle hait, meurt et assassine avec l’image.

(“Invention de l’hystérie » de George Didi-Huberman)

La contagion, c’est la vie, quand c’est le virus du désir qui circule. Isolé, le corps s’effondre, impuissant. C’est l’autre qui nous pousse à bouger, aussi dérangé soit-il. L’image suffit-elle à éveiller la force singulière qui nous unit ou n’est-elle qu’un simulacre qui nous laisse impuissants ? L’idée du spectacle est née, pendant la pandémie, comme stratégie de résistance: des femmes qui partagent leur solitude commune, se laissant toucher par ce qui les touche, sous le regard distant de l’autre, absent.

La recherche chorégraphique et l’écriture du mouvement expriment les formes que peut prendre le corps d’une femme selon que le désir circule ou se cristallise dans la rencontre avec les autres: exposé et observé, intime et énigmatique, il entre toujours dans un jeu de miroirs où des mondes fermés s’ouvrent à la possibilité d’un plaisir partagé.

Interprètes: Cecilia Bazán, Catalina Briski, Julieta Ferraro, Agostina Fiore, Cosetta Graffione, Erika Melli, Ana Laura Osses, Muriel Sago, Casandra Velázquez

Dramaturgie et direction: Francesco Callegaro & Angela Babuin

Chorégraphie: Angela Babuin en collaboration avec les interprètes

Iconographie: Marc Aufraise

Vidéo: Marco Lovisatti

Scénario et édition du court-métrage: Eline Marx

Assistante de production: Josefina Sagasti

L’idée du projet a commencé à émerger il y a quatre ans, à partir d’une enquête sur le corps hystérique, basée sur la lecture et l’interprétation iconographique développées par George Didi-Huberman dans son livre « L’invention de l’hystérie ». Il s’agissait au départ d’exploiter le potentiel chorégraphique de la dramaturgie hystérique, révélant la force créatrice et émancipatrice des femmes enfermées à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris. Nous avons continué dans cette voie, approfondissant l’étude psychanalytique de la circulation du désir insatisfait dans les groupes, selon Freud et Lacan, jusqu’à retrouver des éléments de réflexion et de création dans les pratiques de Charcot et Mesmer d’hypnose et de magnétisme animal. Loin d’un regard médical, nous avons voulu, dès le départ souligner, avec une certaine distance ironique, la mise en scène plastique et théâtrale du désir de l’autre.

La pandémie de Covid19 a accéléré l’urgence de donner corps à ce spectacle, en raison de la forte résonance avec l’expérience vécue dans la situation de confinement dans laquelle nous nous sommes retrouvés dans le monde début 2020. Récupérant le matériel traité  pour le mettre en relation avec l’actualité, nous avons créé un groupe composé d’artistes, chorégraphes et danseuses, résidant en Argentine, en France, en Italie et en Espagne, dans le but de partager, avec des mots et des mouvements, l’expérience de la distance et de la solitude, en essayant de valoriser la volonté de travailler ensemble, par opposition au manque de circulation sociale et de contact imposé par la situation d’urgence mondiale. Ainsi est née l’idée que la contagion du désir peut être vitale, contrairement au danger mortel du virus.

Une première phase d’exploration s’est déroulée entre juin et novembre 2020, sous forme de rencontres virtuelles sur la plateforme Zoom. Quatre interprètes se sont connectées, se sont contaminées, se sont observées et se sont laissés danser, explorant leur intimité et cherchant un langage commun. Cette phase nous a permis de retrouver les états du corps et de créer les bases chorégraphiques pour pouvoir développer une mise en scène de la matière physique. L’utilisation de la caméra lors des répétitions virtuelles a révélé une étape intermédiaire qui a finalement pris la forme d’un projet de vidéo danse. Le court-métrage vise à créer une atmosphère poétique dans laquelle la force créatrice des femmes émerge et circule dans la distance, générant une communauté intemporelle formée par le désir du commun.

La phase suivante de recherche et de création, Devora, prévoit la transmission du matériel travaillé jusqu’à maintenant à distance à un groupe de femmes à Buenos Aires. L’intention est que les six nouvelles interprètes puissent se laisser contaminer par l’expérience créative du premier groupe, dans une situation différente dans laquelle elles peuvent se retrouver ensemble après une longue période d’isolement. Après la réalisation de l’œuvre scénique à Buenos Aires, le matériel de création sera partagé avec le groupe de travail initial pour terminer le voyage avec une résidence européenne et une nouvelle œuvre scénique qui sera le résultat de la circulation d’images poétiques, des différentes rencontres, des expériences corporelles  dans différentes parties du monde.